Depuis huit ans déjà, le festival Circulation(s) met en lumière toute la richesse de la création photographique contemporaine en Europe. Animé par l’ambition de décloisonner les visions et les expériences, le festival réunit 50 artistes venus des quatre coins du continent.
Les artistes parlent de leur monde, avec une diversité de formes qui fait la spécificité du festival. Ils investissent les espaces du CENTQUATRE-PARIS à travers une exploration et une expérimentation des supports. Photographie plasticienne et documentaire, archive, vidéo, installation, collage, autoédition mais aussi images thermodynamiques sont au rendez-vous. Le festival poursuit de la sorte son engagement auprès de la jeune création, dans toute sa pluralité, son innovation mais aussi sa parité – la sélection comporte autant de photographes femmes que de photographes hommes !
Circulation(s) aborde de front les grands enjeux contemporains sur lesquels les artistes portent une vision singulière, parfois décalée, d’autres fois engagée. L’univers carcéral, le genre, l’urbanisation, le tourisme de masse, la crise migratoire, l’écologie sont les fils rouges de cette édition. Les séries se répondent, entrent en résonance : aux images d’un ancien goulag soviétique vidé de ses habitants font écho les photographies d’une Russie nouvelle, qui tourne le dos à son passé pour regarder vers son avenir. Une grande place est également accordée à l’intime ; des histoires de fratrie parsèment le parcours.
L'avis Récurrence photo :
Cette édition, débutant sous la neige parisienne, nous offre une fois encore une programmation variée, colorée et très soignée. Aucune série présentée ne ressemble à une autre; il y a toujours une recherche, un sujet, une technique ou un traitement particulier.
Mention spéciale à la scénographie qui permet un parcours de visite aéré. Il y a des petites pièces et recoins intimistes, qui nous plongent dans les univers des artistes.
Bol d'air frais et coloré : allez-y !
Nos coups de coeurs :
Alma HASER / Allemagne
*Cosmic Surgery*
Combinant photographie et origami, cette série s’inscrit dans la tradition des portraits qui interrogent les générations à venir. L’apparence physique, dont l’omniprésence s’impose continuellement à notre attention, est au cœur de Cosmic Surgery. La série est ainsi imaginée comme une intervention chirurgicale à laquelle le public pourrait se soumettre d’ici peu. Que ce soit pour mieux se cacher de Big Brother ou simplement pour améliorer leur plastique, les êtres futuristes d’Alma Haser sont à la fois grotesques et étrangement réels. Les traits de leurs visages sont démultipliés et distordus, en référence à l’imagerie cubiste et surréaliste.
Karin CRONA / Suede
*De la possibilité d'une image*
La création est un hasard qui parle aux autres. Un jour d’errance et de désoeuvrement, Karin Crona découvre Pénéla, « la première revue féminine de bibliothèque » publiée en France entre 1967 et 1973. Après s’être procuré plusieurs numéros du magazine, elle se lance dans un travail de découpage et de collage des photographies. Les nouvelles images qu’elle recompose donnent naissance à une mythologie toute personnelle. Pour les réaliser, elle s’inspire de l’écriture automatique et du haïku visuel.
Vanja BUCAN / Slovénie
*Sequences of Truth and Deception*
Parti du thème central du camouflage dans la nature, Sequences of Truth and Deception de Vanja Bucan a évolué vers une distrayante exploration des relations qui nous lient à la nature. Notre amour de la nature est ambigu et implique à la fois domination, exploitation et aussi romantisme. Nous aimons nous représenter amoureux de la nature, mais cet amour est conditionné, réglé, interventionniste. Nous transformons la nature en fonction de nos besoins et l’enjolivons à souhait selon nos désirs
Guillaume HERBERT / France
*Updated Landscape*
Cette série photographique, d’un genre hybride, mêle des fragments de paysages actuels avec des arrière-plans issus de peintures de grands maîtres anciens. Son titre, que l’on peut traduire par « Paysages mis à jour », est une interprétation qui rend compte des changements dus en partie à l’urbanisation exigée par nos sociétés contemporaines. Elle nous invite à mesurer l’écart entre la vision d’un peintre d’antan et celle d’un photographe contemporain, et à redéfinir notre perception environnementale dans sa dimension esthétique.
Billie THOMASSIN / France
*1/4 d'heure américain*
Deux corps côte à côte, deux corps qui se mêlent l’un à l’autre. Pour Billie Thomassin, une seule et unique forme en perpétuelle évolution. Elle capture ainsi l’abstraction de ce mélange et fixe la position de la silhouette formée par cet alliage. L’intimité d’une étreinte est impénétrable. La photographe souhaite par ses mises en scène jouer sur cette impossibilité et montrer des accolades telles des sculptures. Les corps deviennent alors une composition abstraite créée pour être contemplée. Le temps est suspendu, les corps semblent absents, les visages, eux, ne sont jamais montrés.